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Nous sommes sous le règne du roi Charles V, dit la “Sage” (roi de France de 1364 à 1380),

L’action ne se situe pas à Montdidier mais elle touche une personne de Montdidier, un gentilhomme Picard, le dénommé Aubry de Montdidier.

foret bondyVoici l’histoire de la mort de Aubry de MONTDIDIER, histoire réelle ou pas il y a débat, pour certains historiens il s’agit d’une légende contée par un trouvère dès le XII° Siècle.

Aubry était un des favoris de la cour de Charles V,  un jour de l’an 1371, passant seul avec son lévrier dans la forêt de Bondy, situé à 15 km de Paris, il fut lâchement assassiné et enterré au pied d’un arbre tandis que son assassin se sauva après le coup pour revenir à la cour tenir bonne mine.

Son chien resta plusieurs jours sur sa fosse, et ne la quitta que pressé par la faim.

Ce chien, la faim au ventre, arriva à Paris chez un ami intime de son malheureux maître, et, par ses tristes hurlements, il sembla lui annoncer la perte qu’il avait faite.

Après avoir mangé, il recommença ses cris, alla à la porte, revenant à cet ami de son maître, le tira par l’habit, comme pour lui mander de venir avec lui.

La singularité des mouvements de ce chien, sa venue sans son maître qu’il ne quittait jamais, ce maître qui tout d’un coup avait disparu, et peut-être cette distribution de justice et d’événements qui ne permet guère que les crimes restent longtemps cachés, tout cela fit qu’on suivit le chien.

Le chien se rendit directement en Forêt de Bondy, au lieu même du crime.

Dès qu’on fut au pied de l’arbre, il redoubla ses crises en grattant la terre, comme pour faire signe de chercher en cet endroit.

On y fouilla, et on y trouva le corps de son infortuné maître :

le sieur Aubry de Montdidier.

Quelque temps après, ce chien aperçut par hasard l’assassin, que les historiens nomment le chevalier Macaire, un archer des gardes du corps du roi, d’ailleurs quelques jours avant le crime, Aubry avait eu une querelle très vive en jouant à la paume avec Macaire; le chien sauta à sa gorge, et on eut bien de la peine à lui faire lâcher prise.

Chaque fois qu’il le rencontra, il l’attaqua et le poursuivit avec fureur. L’acharnement de ce chien, qui n’en voulait qu’à cet homme, commença à paraître extraordinaire.

On se rappela  alors l’affection qu’il avait marquée pour son maître, et en même temps plusieurs occasions où ce chevalier Macaire avait donné des preuves de sa haine et de son envie contre Aubry de MontDidier ;

De plus quelques circonstances augmentèrent les soupçons.

Le roi, instruit de tous les discours qu’on tenait, fit venir ce chien, qui paraît tranquille, jusqu’au moment qu’en apercevant Macaire au milieu d’une vingtaine de courtisans, il aboya et, comme enragé, chercha à se jeter sur lui.

Dans ce temps-là, on ordonnait un duel entre l’accusateur et l’accusé lorsque les preuves du crime n’étaient pas convaincantes ; on nommait ces sortes de combats jugement de Dieu, parce qu’on était persuadé que le Ciel aurait plutôt fait un miracle que de laisser succomber l’innocence.

Le roi, frappé de tous les indices qui se réunissaient contre Macaire, jugea qu’il échéait gage de bataille, c’est-à-dire, qu’il ordonna le duel entre le chevalier et le chien.

Le duel fut donc programmé.

Île_aux_Vaches_&_île_Notre-Dame,_Plan_de_Vassalieu_ca._1609

Pour lieu, il fut choisis un champ clos marqué dans l‘île Notre-Dame, (qui deviendra par la suite l‘Ile Saint-Louis avec la fusion de l’Ile aux vaches) qui n’était alors qu’un terrain vide et inhabité.

Ils furent tous deux mis dans le camp, comme deux champions, en présence du roi et de toute la cour,

Macaire était armé d’un gros bâton ; le chien avait un tonneau percé pour sa retraite et les relancements.

chien_montargis et chevalier macaire

statue de bronze de Gustave DEBRIE (1870) dans le jardin de l’hôtel Durzy ancienne mairie de Montargis

On lâcha aussitôt le chien, qui courut directement vers le chevalier MACAIRE, évita ses coups, le menace tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, le fatigua, et enfin s’élança, le saisit à la gorge, et le contraignit à crier miséricorde, et supplier le roi qu’on lui ôtât cette bête, et qu’il dirait tout.  Il avoua ainsi avoir assassiné Aubry de Montdidier et fut envoyé au gibet.

La mémoire de ce chien méritait d’être conservée. On a vu longtemps figurer sur la cheminée de la grande salle du château de Montargis un monument de pierre représentant un homme terrassé par un chien et obligé de confesser son crime.

Ce monument devint célèbre, et l’on ne désigna plus le chien que sous le nom de chien de Montargis.

On dit que, charmé du courage et de la fidélité de ce chien, Charles V fit ériger en sa mémoire un petit monument sur le grand chemin de la forêt de Bondy; on y lisait un distique latin, que l’on a traduit ainsi :

Mortels aveugles qui violez les lois les plus saintes, que la brute elle-même vous apprenne à être reconnaissants. Redoutez jusqu’à votre ombre, quand vous voulez faire le mal.

Pour certain chroniqueurs le chien se nomme Verbaux, et aurait comme ancêtre Argus le chien d’Ulysse

Discussion sur la légende à travers le temps :

À la fin du XIVe siècle, la légende était si populaire que Gace de la Buigne, chapelain de Charles V, et Gaston Phœbus déclarèrent “qu’en France elle est peinte en moult lieux”.

Dès le XVIe siècle on témoigne de la représentation de la scène du combat sur le manteau d’une cheminée de la grande salle du château de Montargis.

Belleforest, dans ses “Histoires prodigieuses” en 1575 fut le premier à avancer, en se basant sur l’existence de cette peinture au château, que le lieu du combat pouvait être Montargis.

Peiresc qui a visité le château dans la première moitié du XVIIe siècle, déclara

“La cheminée se trouvait peincte de ce celebre duel d’entre un chien et un homme qui avoit tué son maistre, dent il ne reste que des vestiges de la teste de l’homme et bien peu du reste du corps, et les hanches du chien, le reste étant effacé par l’antiquité. À main droite de ladite cheminée estoient peinctes les figures debout de Charles Maigne et Louys le debonnaire, dont les fragments des inscriptions se lisent encores, d’une escriture de deux cens ans pour le plus…” (Annales du Gâtinais. T. 36. p. 100)

La figure de Charlemagne placée à côté de la scène du combat nous ramène directement à l’origine de la chanson de geste dont cet Empereur est un des personnages.

La légende primitive daterait du temps de Charlemagne dont voici l’histoire :

Le puissant empereur Charlemagne, trompé par le traître Macaire de Lozane, a répudié la reine Blanchefleur et l’a envoyée en exil sous la conduite d’Aubry.

Macaire veut enlever la reine ; il tue Aubry qui la défend.

Pendant le combat, Blanchefleur se sauve dans un bois où le meurtrier ne peut la retrouver.

Le lévrier d’Aubry, après être resté trois jours sur le corps de son maître, est pressé par la faim, vient à Paris, voit Macaire à table, le mord, puis prend un pain et s’enfuit.

Il revient deux jours après, mais ne pouvant de nouveau mordre le meurtrier, prend un autre pain. Après sa troisième visite, Charlemagne le fait suivre et l’on retrouve le corps d’Aubry, à peu près dans les conditions de la légende connue.

Alors le duc Naisnes, le Nestor de tous les romans du cycle carlovingien, ordonne le duel.

 

Puis dans les “Monuments de la Monarchie Française” de Dom Bernard de Montfaucon. en 1731, parait ce qui fixa la légende de Montargis. Dans cet ouvrage l’auteur reprend le récit fait en 1648 par Vulson de la Colombière qui donne la version traditionnelle, cite les mêmes personnages avec pour cadre la forêt de Bondy et l’Ile Notre Dame à Paris… mais il illustre son travail par la reproduction de la gravure du combat qui lui avait été envoyée par un religieux de Ferrières et portait à la suite de la légende imprimée, la date de 1371 ajoutée à la main. Elle parut avec le titre suivant :

Le Combat d’un chien contre un gentilhomme qui avoit tué son maistre faict à Montargis soubs le règne de Charles V, en 1371“.

Le caractère ambigu de ce titre fit que le combat fut alors situé à cette date à Montargis.

Malgré la démonstration de Bullet, publiée en 1771 dans ses “Dissertations sur la Mythologie Française” opposant la chanson de geste originelle citée par Albéric des Trois Fontaines en 1241, à la légende, le chien resta pour le public rattaché à Montargis.

Un mélodrame de Pixérécourt intitulé “le Chien de Montargis ou la forêt de Bondy” fut joué sans discontinuer de 1814 à 1834 avec un énorme succès et contribua à rendre célèbre cette histoire et le nom de Montargis. Ce fut l’époque de la légende triomphante, triomphe de courte durée, car dans la deuxième partie du XIXe siècle les études de Gauthier, Paris, et surtout celle de Guessard, qui garde toute sa valeur de nos jours, réduisirent à néant tous les éléments soi-disant historiques et les localisations que certains avaient cru pouvoir déceler dans cette légende.

À Montargis, en 1864, parut dans le journal “le Loing” (n° du 26 novembre, 3 décembre et 10 décembre) un long article intitulé : “Où il est dit que le Chien de Montargis n’a jamais existé.” Ce texte, où la thèse de Guessard est clairement résumée, semblait ainsi mettre un terme à la vie d’une légende déjà bien enracinée.