Comme beaucoup d’armoiries, le blason de Montdidier, attesté depuis 1308, tient son origine dans les sceaux municipaux médiévaux, qui représentaient fréquemment les murailles et les fortifications de la ville

Les armes de la commune de Montdidier dans la Somme, Picardie se blasonnent ainsi :

D’azur à la tour crénelée, donjonnée d’une tourelle crénelée d’argent, ouverte de gueules, maçonnée et ajourée de sable, accompagnée de sept fleurs de lis d’or, trois à dextre, trois à senestre, la septième coupée, la partie inférieure mouvant du point du chef, la partie supérieure mouvant de la pointe.

Voici une représentation du blason :

Blason MONTDIDIER-80500

On retrouve également le blason de Montdidier sans la tour ouverte de gueule (rouge) :

D’azur à la tour crénelée surmontée d’une tourelle aussi crénelée d’argent, maçonnée de sable, accompagnée de sept fleurs de lys d’or, trois de chaque côté et une coupée mi-partie en pointe et en tête.

Blason de montdidier

Ici dans un manuscrit ancien,  l’Armorial Général de France par Charles-René d’Hozier, le blason de Montdidier est fait d’un château d’or brochant sur un champ d’azur semé de fleur de lis d’or. Le château est remplacé plus tard par une tour donjonnée qui passe à l’argent.  Au cours de la fin du XXe siècle, le semé de fleurs de lis s’est mué en fleurs de lis disposées en orle autour de la tour.
Mais on pourra s’étonner encore du spécimen attribué “d’office” par Charles-René d’Hozier, qui n’a pas eu d’existence réelle.

Montdidier ancien blason

Le Devise de Montdidier

La devise : Urbs Cultissima : Ville très cultivée

Quand, comment et pourquoi la ville de Montdidier fut, au XVIIe siècle, gratifiée de l’honorable épithète  “cultissima”   ?

Tout commence dans le Paris du XVIIe siècle, dans les milieux les plus cultivés de la capitale c’est à dire les milieux universitaires et ecclésiastiques.

QUARTIER DE L’UNIVERSITÉ — Vers l’an 1601, il y a grand branle-bas, devant la porte du fameux collège de Navarre, un cortège funèbre. Les « officiers de l’Université sont là, en robe, portant leurs masses d’or et d’argent. Toutes les cours souveraines sont représentées ». Le deuil est mené par le Premier Président au Parlement, Achille de Harlay en personne. Entouré de 24 douzaines de torches, flamme au vent, le corps va être porté processionnellement dans toute l’Université, « en l’air, la tête découverte », jusqu’à Saint-Etienne-du-Mont où il sera inhumé dans la nef.

Le personnage à qui sont rendus ces hommages, « les mêmes qu’aux Princes du sang » (un enterrement de 28.000 livres) — a pour nom Germain Du Feu.

Germain Du Feu docteur en médecine, recteur de l’Université de Paris, mort dans l’exercice de ses fonctions. Il était natif de Montdidier en Picardie, fils d’un gentilhomme de robe.

 

ÉGLISEST-SAUVEURMai 1628. Des ouvriers posent une plaque de marbre noir « sur un des piliers situé du côté de l’évangile ».
Sur l’épitaphe, nous pouvons lire :

« Johannes Hollandre, vir pietalis et probitatis numquam satis laudatae, et judicii acutissimi, ortus ex honesta familia Montisdesiderii... Universitatis rector vigilantissimus ».

Docteur en théologie, professeur de rhétorique et professeur de philosophie « in celeberrima Parisiensi universitate », possédant l’hébreu, le chaldéen et le syriaque, recteur en 1616, à 32 ans, et grand pourfendeur de l’Hérésie, il vient de mourir à l’âge de 42 ans, au grand détriment de la Ville et de l’Univers « gravissimo damno urbi et orbi ».

Cet enfant de Montdidier, né dans « une misérable taverne » de la paroisse St-Pierre, avait été, dès son jeune âge (ineunte adolescentia) déjà richement meublé (supellectile ornatus) des dons « en toutes bonnes sciences » ; comme si l’atmosphère du pays natal était éminemment propre à la culture intellectuelle.

 

EN SORBONNE. — 29 novembre 1624. Une Assemblée publique des grands jours : « Ce qu’il y a de plus distingué dans tous les ordres ».
Il y a de nombreux évêques, en tête, le Cardinal de RICHELIEU, premier ministre du royaume, qui a daigné honorer la cérémonie par sa présence. Quel est donc le candidat qui a mobilisé ainsi tout le monde savant ? le jeune Antoine MALLET, au nom bien montdidérien.

 

Aux JACOBINS. — Quelques années plus tard. Le grand chapitre est réuni. Le général de l’Ordre a donné à la Congrégation de France le nom de Province de Paris. Il s’agit d’élire le premier provincial. L’unanimité des suffrages se porte sur qui ? Sur le R. P. Antoine MALLET.

 

Aux CÉLESTINS. — 1645. Ici demeure le Supérieur général de la Congrégation de France, religieux « célèbre dans son temps », homme d’une érudition étendue qui relève les études dans toute sa province : Martin de BOUREY. Encore un de mes contemporains et de mes compatriotes, s’écriait François de la Mortière, car « nul ne peut contester à Montdidier d’avoir donné naissance à ces deux grands hommes : Antoine MALLET et Martin de BOUREY ».

 

Au COLLÈGE DE NAVARRE. — Ce collège de Navarre possède une réputation universelle. Les montdidériens y ont leur place. Abraham de St-Fuscien y enseigne l’éloquence (1652) ; François de Vaux, doyen de la nation de Picardie, enseigne la rhétorique et la philosophie (1662) et Bon de Merbes, professeur d’éloquence, a l’honneur de monter en chaire pour prononcer l’oraison funèbre de Louis XIII (1643).

 

Au PARLEMENT. 1628Claude Le Caron, avocat à Montdidier plaide au parlement. Claude Le Caron, dont son compatriote Germain a écrit : « dum fuit in vivis iit ejus fama per orbem ».

Le plaideur René de Mailly, qui avait fait exprès le voyage de Paris à Montdidier pour le consulter, a été tellement satisfait de sa science du droit qu’il l’a prié de venir soutenir sa cause à Paris.

Claude Le Caron qui, son affaire plaidée, ira siéger au conseil de Marie de Médicis.


Sortons de la salle d’audience et grattons à la porte du Président Mathieu Molé. Nous le trouvons en grande conversation avec le Lieutenant au Bailliage de Montdidier, Le Clerc de Séraucourt, « la meilleure tête du Bailliage qui, pour lors, étoit bien composé ». Pourquoi ce montdidérien est-il à Paris, au Palais, et dans le cabinet du Président ? C’est que Mathieu Molé — cet homme réputé pour son caractère indépendant — « a coutume de consulter Le Clerc de Séraucourt chaque fois qu’il doit rendre un arrêt important » — 1696.


CHEZ LES ÉDITEURS. — Faisons maintenant un tour rapide des éditeurs. Nous avons toutes chances d’y rencontrer des Montdidériens, représentés par leurs œuvres.

  • Chez LIBERT. — Un « Eloge d’Antoine Froissart, prieur de N.-D. », « auctore Johanne Hollandre, Mondiderino ». 1614.
  • Chez ANTOINE ESTIENNE. — Du même, un in-octavo de 365 pages « Répliques à un ministre protestant ». 1623.
  • Chez FOUET. — La 6e édition de la « Vie de Pierre de Luxembourg, cardinal, évêque de Mets », ouvrage jouissant d’une telle vogue que la mode devint alors de donner aux enfants le prénom de « Pierre de Luxembourg ».
  • Chez JEAN BRANCHU. — 2 volumes in-8° de 400 pages chacun : « Histoire des Saincts papes, cardinaux et autres hommes illustres qui furent  prieurs ou régens en théologie du couvent de St-Jacques à Paris ), par Antoine Mallet. 1634-1645.
  • Chez DENYS LANGLOIS,  « à l’enseigne du Pélican » : « Les œuvres poétiques demaistre Adrian de la Morlière », nouvelle édition« guary de ses playes ». 1617. et : « Traité sur la coutume de Montdidier », par Claude Le Caron.
  • Chez DENYS MOREAU,  « à la Salamandre ». — « Le premier livre des Antiquités d’Amiens », par Adrian de la Morlière et les œuvres de Nicolas de Lestocq, prêtre, docteur en théologie, curé de St-Laurent, à Paris, fils d’Annibal de Lestocq, maïeur de Montdidier.
  • Chez SÉBASTIEN CRAMOISY. — « A la boutique de l’Angelier, au 1er pilier de la grande salle du Palais : « Les Antiquités et choses les plus remarquables de la ville d’Amiens ». 1642, et « Recueils de plusieurs nobles et illustres maisons vivantes et esleinies en l’étendue du diocèse d’Amiens », par Adrian de la Morlière.
  • Chez ANTONIUS DUZALLIER. — « via Jacobœa, sub signo coronœ aureae », 2 volumes in-folio de Bon de Merbes, enfant de Montdidier et principal du collège de cette ville : « Summa Christiana », ouvrage qui fut encore réimprimé, cent ans après la mort de l’auteur, à Turin et à Venise.
  • Un PEU PARTOUT. — Les œuvres de Charles Mallet, montdidérien, vicaire général de Rouen, ancien précepteur du futur archevêque de Paris François de Harlay, ouvrages édités à Rouen et répandus de Rouen à Paris, et de Paris jusqu’à Rome ; Charles Malletméritant le titre de « catholicœ veritatis defensor,acerrimus clypeum religionis et gladium ».Enfin, « Apud Ludovicum de la Fosse, via carmelitana, sub signo speculi », l’œuvre de Dom Bonaventure Fricourt, religieux bénédictin du Prieuré de Montdidier : « Tragœdia sancti Luglii et Lugliani, data apud montem. Desiderium, in au la Montdiderina ». 1665.

Ce qui prouve qu’en l’an de grâce 1655 on pouvait trouver, dans la petite ville de Montdidier, 28 jeunes gens capables d’interpréter une tragédie latine, et un auditoire capable d’écouter sans sourciller plus de 1.200 vers latins.

 

Dans les milieux ecclésiastiques et universitaires de la capitale, Montdidier avait la réputation d’être — entre toutes les villes de Picardie — la plus cultivée : « Cultissima urbs, cujus indigence cœteris Picardiœ ingenio prevalent », écrivait en 1648 le P. Briet dans sa géographie.

En 1675, les Bollandistes exprimaient la même opinion courante en qualifiant, à leur tour, la ville de Montdidier d‘Oppidum cultissimum.

C’est ainsi que naquit, en plein grand siècle de culture, l’honorable épithète qui deviendra plus tard la devise d’une petite ville de Picardie.


De quelle façon curieuse l’épithète « Cultissima », érigée en devise, fut un beau jour accolée aux armoiries de Montdidier

« L’honorable épithète » a subi avec succès l’épreuve des siècles.

Depuis 1648, elle plane au-dessus de la ville.  Mais elle risque d’être emportée à jamais par le mauvais vent qui souffle sur Montdidier en la seconde partie du XIXe siècle.

La politique et les jalousies ont semé la discorde.

Adieu les « bonnes maisons » et les belles réunions. L’art de la conversation a vécu. Il n’y a plus place que pour des joueurs en cette époque.

Le dernier coup était porté à la société cultivée. Les temps semblent révolus. Désormais l’ Urbs Cultissima n’appartient plus qu’à l’Histoire.

L’Histoire de Montdidier, du sieur Victor de Beauvillé, paraît en 1857, monument de haut style élevé à la gloire de l’antique cité.

Mais l’auteur ne s’en contente pas ; il voudrait lui ajouter un couronnement.

Il plairait au montdidérien de vieille souche qu’est Victor de Beauvillé de voir un jour, accolé au-dessus des armoiries de Montdidier, ce superlatif de gloire qu’il a découvert dans une géographie du grand siècle,  et qui place sa ville natale au-dessus des autres cités picardes.

La chose n’est pas impossible. Montdidier n’avait pas et n’avait jamais eu de devise. Et, qui plus est, Montdidier attend toujours son blason.

En fait d’armoiries, la ville possédait purement et simplement les emblèmes qu’autrefois la Commune s’était octroyés à elle-même.

Quand, en 1195, Philippe-Auguste «donna aux Bourgeois de Montdidier » leur charte communale, l’échevinage, à l’exemple de tout feudataire en possession de droits seigneuriaux, prit alors un sceau.

Le premier représentait un cavalier armé (ou chevalier), symbole de la puissance seigneuriale qui venait de changer de mains — peut-être aussi, en même temps, hommage rendu aux anciens Comtes de Montdidier, les comtes de Vermandois, derniers comtes de Montdidier avaient pour sceau un cavalier.

En 1308, le cavalier est remplacé par une tour — ou mieux, une porte de ville — surmontée d’un donjon et flanquée de deux fleurs de lis, une de chaque côté.

Le symbole reste le même : — Hommage aux fleurs de lis, c’est-à-dire à Philippe-Auguste, grâce à qui la Ville érigée en Commune — et symbolisée ici par la tour ou porte de ville — est désormais en possession des droits seigneuriaux — figurés par le donjon.

Sceau banal qu’adopteront beaucoup de villes. Ce sceau lui-même variera suivant les époques et selon les caprices de «ces Messieurs du Corps de Ville»: tour donjonnée ; tour sans donjon ; deux fleurs de lis ; fleurs de lis multiples, ramenées tantôt à six et tantôt à sept.

Après Louis VIII et Saint Louis apparaissent les fleurs de lis sans nombre. Charles VII les réduisit à trois.

La Révolution arrive et les armoiries disparaissent.

Le nouveau sceau est encore plus banal que l’ancien.

Celui-ci au moins symbolisait un événement d’histoire locale : la Commune.

Le nouveau n’a plus aucune signification.

Sous la première République, c’est

« la femme appuyée sur un faisceau et tenant de la main gauche une pique surmontée d’un bonnet de Liberté ».

mariane republique 1794

Sous l’Empire c’est :

l’Aigle aux ailes éployées.

Sous la Restauration, Louis XVIII désirera voir les villes reprendre leurs anciennes armes ; mais la monarchie bourgeoise de juillet infligera, en guise d’armoiries, le vulgaire timbre, commun à tous les villages de France :

« la couronne de lauriers, portant en son centre le mot « mairie », et en exergue — seule marque spéciale — ces deux autres mots « Montdidier (Somme) ».

L’historien de Montdidier a horreur de ces banalités et de ces vulgarités. « Il serait bien temps d’en finir avec ces variations », déclare-t-il.

Le passé de la ville vaut bien un blason. Pourquoi ne pas lui en composer un qui soit digne d’elle ?

Des héraldistes s’y sont déjà essayés. D’Hozier, qui tint boutique, octroyait à Montdidier :

« d’or, à un sautoir de sinople, chargé en cœur d’une merlette d’argent »

en souvenir sans doute de l’attachement des montdidériens au parti de Bourgogne. Migne partageait le même avis.

Quant à Lovvan Geliot, il gratifiait — on ne sait pourquoi — la ville de Montdidier

« d’azur au chevron d’argent, accompagné de trois grillets d’or ».

Victor de Beauvillé, à son tour, va blasonner.

Il s’y prendra à la fois en historien et en héraldiste. L’Histoire de Montdidier qu’il vient d’écrire lui a fourni l’occasion.

L’historien exprime clairement sa pensée : retour à la tradition.

« Si nous ne pouvons expliquer l’origine de nos armoiries, ayons au moins le bon sens de les conserver et de ne pas les défigurer sottement… ».

« Croit-on, en effaçant les fleurs de lis, en faire disparaître le souvenir ? Elles sont liées d’une manière indissoluble à l’histoire de France, et il n’est pas plus possible de les faire oublier que de rayer des annales de notre pays les victoires de Bouvines, de Marignan et de Fontenoy ».

L’héraldiste illustre la pensée de l’historien.

Dans la partie supérieure — côté gauche — du plan de la ville qui se trouve à la fin du volume il a fait graver les armes de Montdidier telles qu’il les conçoit d’après la tradition et telles que l’histoire peut les accepter : la tour d’argent, donjonnée, crénelée, maçonnée de sable — antique symbole des libertés communales — se détachant sur champ d’azur semé de six fleurs de lis d’or — souvenir du rattachement de la ville au royaume des lis.

Sur l’écu, comme marque de dignité, la couronne comtale rappelant que, dans les temps anciens, Montdidier fut le chef-lieu d’un Comté. Supports : deux griffons — sans doute pour donner plus de galbe au dessin.

L’idée est lancée en 1857. Elle va faire son chemin. En 1865 des armoiries font leur apparition sur le papier à lettres de la mairie — assez sottement défigurées, il est vrai, par l’adjonction d’une couronne de marquis en remplacement de la couronne comtale. Il faudra revenir à la charge.

Une seconde édition de l’Histoire de Montdidier paraît en 1875. Cette fois les armes de la Ville s’étalent sur la couverture de chacun des trois volumes. Elles font figure de document, de pièce à conviction.

Ce sont bien les mêmes qu’en 1857 ; mais avec quelque chose en plus — un rien — une banderole sur laquelle est inscrite un mot ; une devise, qui leur donne aujourd’hui véritablement tournure de blason.blason et devise montdidier

Victor de Beauvillé a réfléchi. Tout blason comporte une devise. Celui de Montdidier en particulier. Sans devise, le blason de Montdidier est d’une banalité désespérante. Cette tour est un meuble vulgaire. Dix-sept autres villes le possèdent.

Seule, une devise de choix : honorable, glorieuse, piquante, très particulière est capable d’apporter aux armoiries de la ville l’élément noble qui lui manque.

N’est-elle pas là, toute prête : très honorable, très glorieuse, résumant d’un seul mot deux siècles d’histoire et piquante à souhait !

Victor de Beauvillé n’hésite pas. Il fait graver et flotter au-dessus de l’écu le petit superlatif latin qui va devenir l’âme du blason de sa ville natale.

C’est ainsi qu’en l’an 1875, la ville de Montdidier se trouva enrichie d’une devise qu’Athènes eût enviée.

Devise bien méritée, qui ne fut octroyée ni par le bon plaisir du roi, ni pour un fait isolé et passager, mais devise accordée par le suffrage des gens cultivés, en plein grand siècle de culture, et confirmée par une tradition de plus de deux siècles.

 

blason 2 de montdidier

Montdidier ecu

blason ancien montdidier

Montdidier Histoire