Bathilde est un personnage illustre et connu des Corbéens, en effet c’est grâce à la reine Bathilde que Corbie deviendra une prestigieuse Abbaye qui rayonnera dans toute l’Europe.

Naissance et adolescence

Bathilde naquit vers 626 certainement en Angleterre.

Malheureusement, nous ne savons rien de sa naissance, mis à part qu’elle aurait vu le jour autour des années 630.

Bathilde a été enlevée sur les côtes de l’Angleterre, alors qu’elle était enfant.

Mais nous ne savons pas de où exactement, dans les textes comme Liber Historiæ Francorum : Livre de l’histoire des Francs, nous trouvons cette phrase

accepitque uxorem de genere Saxonorum nomine Bathilde : Il avait une femme du stock des Saxons nommée Bathilde

saint bathilde corbie 80800Certains disent qu’elle était du sang royal des Saxons, mais rien ne vient à l’appui de cette supposition, ni dans les traditions des rois de l’Heptarchie, ni dans les chroniques. Tandis que d’autres pensent plutôt à une origine très modeste du personnage.

Ce qui est certain c’est que Bathilde fut amenée enfant en Neustrie (Nord-Ouest de la France dans la période des rois Francs) par des pirates danois, elle fut achetée adolescente comme esclave par le maire du palais Erchinoald, afin de l’employer pour lui servir à boire dans sa chambre.

La femme d’Erchinoald l’avait prise en grande affection, à l’âge de quatorze ans la beauté de Bathilde était déjà digne d’admiration, et Clovis II en devint épris.

Erchinoald compris rapidement la passion du jeune roi envers Bathilde, et il pensa que l’ascendant de Bathilde pourrait être utile au prince.

Il encouragea donc Clovis dans la pensée d’élever Bathilde au trône. Un honneur si peu attendu n’altéra pas la modestie de Bathilde, rien ne changea dans ses manières, elle ne fit servir son crédit qu’au soulagement des pauvres et au bien de la piété.

Clovis II, roi de Neustrie et de Bourgogne n’avait pas encore 17 ans quand il épousa Bathilde vers l’an 651.

Bathilde passa donc d’esclave à reine.

Malheureusement, peu après Clovis fut atteint d’une maladie de langueur, qui altéra les facultés de son esprit et lui fit peu à peu perdre presque entièrement la raison.

Bathilde, la Reine

Bathilde, si jeune elle-même, laissa au maire du palais Erchinoald la partie la plus difficile de l’autorité, elle se réserva le soin de veiller attentive auprès du roi et d’adoucir son malheur ; autour d’elle tout respira la décence : point de scandale, point de division. Elle avait pour tous de douces paroles, elle accordait les grâces au nom du roi, elle faisait agréer ses refus par des manières agréables.

Bathilde était respectée et chérie, elle maintenait tout en paix autour d’elle. Elle persuada Clovis de faire servir au soulagement des pauvres, quelques-unes des richesses de l’église de Saint-Denis.

L’abbé de Saint-Denis lui-même, Agulf, fut chargé d’en distribuer le prix ; mais la reine, qui avait fait servir aux besoins pressants des pauvres cet argent consacré à l’ornement des autels, voulut offrir un dédommagement à l’abbaye. Clovis II tint un plaid où, par le libre concours des leudes, il régla que l’abbaye de Saint-Denis ne relèverait d’aucun évêque, que son abbé porterait la crosse et la mitre, qu’il aurait le rang et la dignité de prélat, et que le monastère serait maître exclusif et perpétuel, sans redevance ni partage, de toutes les choses qui étaient actuellement en sa possession ou qu’il pourrait acquérir. C’est ainsi que Bathilde agrandit le pouvoir de cette abbaye célèbre, au sein de laquelle ont été élevés plusieurs de nos rois, et d’où sont sortis des hommes illustres.

Le règne de Clovis devait en outre être marqué par le commencement de la grande lutte entre l’Austrasie et la Neustrie. On a vu ces provinces souvent hostiles ; il faudra que leurs prétentions croissent jusqu’à ce que le génie de Charlemagne, en les réunissant pour un temps, jette les fondements de leur force respective, et qu’il en sorte à la fin deux grandes puissances, la France et l’Allemagne.

Vie Familiale

Coté familiale Bathilde eut 3 enfants avec Clovis II :

Quant à Clovis, il mourut en 657.

Une légende du XIIe siècle dite des énervés de Jumièges, longtemps accréditée mais dont nous savons aujourd’hui qu’elle est fausse, prétend que Clovis II et Bathilde auraient condamné 2 de leurs fils pour s’être révoltés contre leur autorité paternelle et royale. La reine « tantost fit admener devant elle ses deux enfants, et leur fit cuyre les jarrets ». Au XVIe siècle, Ronsard fait allusion à cette barbarie de Bathilde dans les visions prophétiques du quatrième livre de sa Franciade :

Leur mère adonc, ah ! mère sans merci ! Fera bouillir leurs jambes, et ainsi, Tous meshaignez, les doit jeter en Seine.

La légende se poursuit en disant que les pauvres princes, après avoir souffert cette opération cruelle avec résignation, renoncèrent pour l’avenir à toute participation dans les affaires du monde, et consacrèrent tout leur temps aux prières et aux pratiques de charité.

De leur côté, les princes demandaient avec instance qu’on les laissât se retirer loin du palais dans quelque sainte maison pour y faire pénitence. La reine fut d’avis de se rendre à leur désir, et elle dit au roi que cette affaire regardant la Providence, il fallait remettre les princes à la merci de Dieu. « Pourtant, très cher sire, continua-t-elle, il serait convenable que leur fissiez faire une nef en scainne, si bonne et si grande que leur vivre et leur vêture puisse être avec eux ; puis les deux enfants se metteront dedans, et un serviteur qui les servira ; et quand notre seigneur les aura conduits où son bon plaisir sera, le serviteur reviendra et nous dira le pays et le lieu de leur habitation. »

La tradition rapporte que le conseil de Bathilde fut exactement suivi : on manda des ouvriers qui construisirent incontinent « la nef comme la royne l’avoit désirée, y faisans chambrettes et habitations telles qui leur appartenait pour eux et pour leurs choses. » Bientôt, tout étant disposé pour leur départ, les deux jeunes gens, pleins de confiance dans le ciel, s’embarquèrent en présence du peuple assemblé, et quittèrent la rive. La barque les porta en Normandie. Le bateau descendit donc jusqu’à la presqu’île où saint Philibert venait de fonder le monastère de Jumièges. Les moines recueillirent les énervés, et à leur mort, leur firent élever un tombeau.

Les énervés de Jumièges. Peinture d'Évariste Vital Luminais (après 1880) 

Les énervés de Jumièges.
Peinture d’Évariste Vital Luminais (après 1880)

Le savant Mabillon, loin de défendre la tradition, chercha à établir que les deux personnages représentés sur le tombeau étaient Tassillon duc de Bavière, et son fils Théodon, confinés dans un monastère pour avoir voulu soulever les Huns contre Charlemagne. De son côté, le Père Duplessis émit le soupçon que ces deux effigies pouvaient être celles des enfants de Carloman (maire du Palais d’Austrasie entre 741 et 747), fils aîné de Charles Martel et frère de Pépin le Bref.

Cette légende des énervés de Jumièges est une fable. Au demeurant, lorsque Clovis II mourut en 657, son fils aîné, Clotaire, avait cinq ans, ce qui exclut toute possibilité d’une révolte… Enfin, Clovis II ne se fit jamais pèlerin en terre sainte, et ses trois fils, qui jamais ne furent moines, régnèrent.

Régence

L’activité et la prudence marquèrent toutes les démarches de la reine : Bathilde gouverna la Neustrie pour son fils, Clotaire III, qui n’avait que 5 ans, et laissa l’Austrasie aux soins de son nouveau maire Wload; mais tandis qu’elle méditait d’utiles réformes, elle eut la douleur de perdre l’homme éclairé auquel elle devait son élévation ; Erchinoald mourut.

Bathilde aurait voulu donner la mairie du palais à Leudésic, fils d’Erchinoald ; mais Leudésic était d’un caractère faible, les leudes restaient incertains, et les artifices d’un homme dont personne ne contestait le talent prévalurent auprès d’eux.

Cet homme se nommait Ébroïn.

Dans les premiers temps, le respect qu’inspirait Bathilde contraignit Ébroïn à travailler de concert avec elle dans des vues pacifiques ; mais de jour en jour l’ambition du maire se trahissait : la reine chercha autour d’elle quel appui elle trouverait pour l’aider dans le bien, et choisit Léodgar (canonisé plus tard sous le nom de saint Léger), qui déplut aussitôt à Ébroïn, mais dont il fallut que celui-ci souffrît et ménageât le crédit.

Sous sa régence des forêts et des terres en friches furent regagnées, des champs et des pâturages en prennent la place, et l’agriculture devint florissante.

La Gaule se releva des grandes invasions qui avaient ramené sa population de 8 à 5 millions, et qui avaient fortement déchristianisé le Nord.

Elle fonda deux monastères royaux :

Parmi les décisions de Bathilde,  il y avait la sanction contre la simonie, interdisant aux évêques de percevoir des revenus pour les sacrements accomplis.

Elle avait aussi fait interdire la pratique qui valait que les rejetons des nobles touchent une partie des revenus des abbayes.

Pionnière de l’abolition de l’esclavage

Bathilde conservait encore son ascendant sur les leudes et sur le peuple. Elle s’en servit pour le bonheur de tous. D’abord elle voulut abolir les distinctions de races qui tendaient à s’affaiblir de jour en jour. Entre les vexations qui depuis la conquête pesaient sur les vaincus, il y avait un cens que payait toute personne née de race gauloise : les pères exposaient ou vendaient leurs enfants pour se soustraire à l’impôt. Sainte Bathilde abolit ce cens.

Elle racheta en outre tous les enfants que leurs mères avaient mis en esclavage, et elle fit une loi sévère pour empêcher de vendre désormais ou d’acheter des esclaves.

Elle interdit d’acquérir des esclaves Chrétiens et la vente de sujets de son royaume, et déclara que tout esclave posant le pied sur le sol de son pays serait dès cet instant libre.

De plus, elle libéra de nombreux chefs de famille emprisonnés à cause de dettes fiscales, en dénonçant le principe de l’impôt payé en fonction du nombre de personnes au foyer (la capitation), ce qui avait parfois pour conséquence qu’on laissait mourir les nouveau-nés.

Bathilde avait été vendue comme esclave ; elle s’en souvint. L’abolition de cette charge fut le dernier acte important de l’administration de cette bonne reine.

Abandon du pouvoir

Vers l’an 660 un événement fâcheux l’engagea à abandonner le gouvernement quelque temps après. A la mort du dernier évêque d’Autun, deux compétiteurs s’étaient en effet disputé le siège épiscopal, et avaient poussé leurs débats jusqu’à se défier en duel : l’un tua l’autre ; le second fut exilé ; et ce scandale, qui avait divisé la ville, demandait une main ferme et prudente pour être réparé.

Bathilde jugea que Léodgar était seul capable de ramener la paix ; elle lui fit accepter le siège d’Autun en 661. La confiance qu’elle avait eue ne fut pas trompée. Léodgar adoucit les esprits, affermit les peuples dans la piété, donna l’exemple de la vertu ; mais la difficulté même de la position exigeait sa présence à Autun et son éloignement de la cour.

La reine, qui lui avait adjoint dans le conseil Sigebrand, évêque de Paris, espérait encore contenir le génie d’Ébroïn. Mais les artifices secrets du maire étaient près de porter leur fruit. Sigebrand, dont la calomnie a voulu flétrir le caractère, n’eut d’autre tort que celui de manquer de discrétion et de modestie. Il connaissait le mauvais vouloir du maire : il offensa par sa vanité la susceptibilité des leudes, et par ses imprudences il donna prise à la malignité de leurs discours.

Ébroïn sut se servir de leur jalousie pour se défaire de son rival. Un jour que l’évêque venait de quitter la cour pour se rendre dans son évêché de Paris, la reine voit tout à coup entrer chez elle des hommes couverts de sang. C’étaient les principaux de ses leudes. Ces hommes insolents lui disent : « Ne reconnais-tu pas ce sang ? C’est celui de l’évêque Sigebrand, dont les conseils te séduisaient ; toi-même, ô reine ! qu’as-tu à faire ici ? Ne peux-tu laisser le roi à la garde de ses leudes, et le palais n’est-il pas suffisamment gouverné par le suaire Ébroïn ? »

L’audace de ce crime imprima dans le cœur de la reine une horreur si profonde, elle avait si peu mérité cet outrage, qu’elle se sentit offensée dans ses sentiments les plus clins.

Elle reconnut l’influence d’Ébroïn ; elle ne crut pas devoir soutenir la lutte ; elle aima mieux abandonner le pouvoir dans lequel elle n’avait jamais vu que l’accomplissement de ses devoirs comme épouse, comme reine et comme mère ;

A la suite du meurtre de Sigebrand, la reine compris que son autorité serait désormais impuissante pour protéger ses amis.

Elle quitta la grandeur avec joie, car bien souvent, au milieu des ennuis que lui donnait le soin de déjouer les complots d’Ébroïn, elle s’était promis que dès qu’elle le pourrait, elle descendrait du trône et consacrerait tous ses jours à la piété.

Elle laissa le royaume à son maire en 664 ; et en Bourgogne, dans une jolie vallée, où la reine Clotilde avait autrefois fondé le monastère de Chelles (transformé par Bathilde en abbaye royale et doté d’une basilique en 662), elle alla prendre le voile et vivre comme la plus humble des religieuses. Entre toutes les vertus religieuses, c’est l’humilité et l’abaissement volontaire que sainte Bathilde parut embrasser avec le plus de zèle, car on la voit soumise à l’abbesse Bertille, préférer les œuvres les plus basses et se plaire à servir ses sœurs.

De cette retraite elle employa les dons qu’elle avait reçus de Clovis II pour réaliser ce qu’elle avait imaginé dès 650, c’est à dire transformer en abbaye le fort de Corbie.

C’est cette même Bathilde qui est à l’origine de notre monastère bénédictin à Corbie vers 657.

Les terres de Corbie avaient été données par Clotaire II au comte Guntland, puis elles s’étaient étoffées d’un très grand territoire sur lequel le comte avait droit de haute et basse justice, prélevait, sur les paysans, le cens pour le compte du roi en échange du service de guerre.

Mais quand Guntland mourut en 639, sans descendance, ces terres revinrent au fisc royal. et Bathilde fonda dessus labbaye de Corbie, lui donnant les terres de Guntland et celles de Frodin qui s’étendaient au nord d’Amiens, des environs de Doullens jusqu’à la forêt de La Vicogne.

Le fabuleux destin de Corbie commença donc à cette date.

L’abbaye de Corbie fut terminée en 657. La reine y fit construire deux basiliques : Saints Pierre et Paul et Saint Étienne. L’abbaye fut placée sous l’autorité directe du pape et son territoire jouissait de l’Immunité.

Comme Radegonde, Bathilde fut canonisée ; comme cette reine, elle finit dans un monastère une vie commencée dans la captivité, et dont une partie s’écoula sur le trône ; mais une grande nuance marque le caractère de ces deux femmes. Sainte Radegonde, d’une âme ferme et d’un génie élevé, tourna toute son énergie vers les moyens de quitter le trône, et ne déploya ses rares talents que dans le gouvernement de son monastère. Sainte Bathilde, douée des vertus les plus douces, et qui semblait ne vivre que pour la modestie et l’humilité, fut appelée à gouverner et ne s’ensevelit dans le cloître que pour échapper aux embarras du pouvoir.

Fin de vie et postérité

Bathilde fut canonisée par le pape Nicolas Ier au IXe siècle. Mais sa sainteté fut reconnue de son vivant.

Bathilde tomba gravement malade, et mourut à Chelles le 30 janvier 680, elle y fut inhumée dans un mausolée placé au fond de l’abside orientale de l‘église Sainte-Croix

Le 17 mars 833, il y eu une translation de ses ossements vers une nouvelle chapelle, en tant que reliques.

L’essentiel de ses saintes reliques repose toujours à l’église Saint-André de Chelles, elles furent protégées par les habitants de Chelles lors des pillages et profanations révolutionnaires, le restant se trouvant à l‘abbaye de Jouarre, et à la cathédrale de Meaux.

On dépeint généralement Sainte Bathilde en reine couronnée, ou en moniale devant l’Autel de la Vierge Marie, 2 Anges supportant un Enfant sur une échelle (cette échelle étant aussi un jeu de mot sur le nom du monastère, Chelles), et aussi avec la vision qu’elle dit avoir eu de sa mort c’est à dire une échelle lui montrant le chemin  pour rejoindre le ciel.

Elle est la sainte patronne des enfants