Sur la route Départementale 1, allant de Daours à Amiens,  ou encore route de Corbie, nous pouvons apercevoir une petite éminence de terre sur laquelle il y a  quelques arbres et une croix. Cet endroit est bien visible quand nous passons en voiture.

Il s’agit de la croix de LANDIT ou encore la Croix de L’indict.

Ce lieu est chargé d’histoire.

Ce fût à travers les siècles un endroit symbole de paix, entre la population d’Amiens et de Corbie.

 

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Indict nom donné à la croix et à la procession du mot latin « Indictus » qui signifie « qui n’a pas été plaidé »

D’abord désigné sous le nom “Croix de l’indict” mot qui par la suite a donné  “Landy” “landit” ou “lendit

Voici l’Histoire de la Croix de L’indict

Contexte historique

Nous sommes dans le courant du IXéme siècle et au début du XIéme, une époque d’anarchie et de guerres, les gens d’Amiens et de Corbie, leurs dirigeants surtout, vivent plutôt en mauvaise intelligence.

Les moines de Corbie se plaignent d’usurpation de terres ou de droits, commises à leur détriment par les comtes d’Amiens. L’un se serait emparé indûment de la terre de Warloy-Baillon , un autre du domaine de Sailly-Laurette .

Les querelles, les exactions, les actes de violence sont nombreux.

De plus, les épidémies de pestes et autres sont assez courantes à cette époque, ainsi que les famines.

Il y a une année, l’année 1021, qui est particulièrement malheureuse, année dans laquelle pluies continuelles, disette, famine, incendies se mêlent.

Les Corbéens et les Amiénois voient dans ces faits, “le châtiment de Dieu qui aime la paix et veut qu’on aime la paix plus que tout

Ils n’en peuvent plus et décident de mettre fin à tant de malheurs en allant vers une paix totale.

L’engagement vers la paix

Les Corbéens et les Amiénois décident de se donner rendez-vous dans une plaine, à la limite des terres d’Amiens et de Corbie afin de se réconcilier solennellement et de prendre un commun accord. Ce territoire appartient à Camon.

De ce lieu on aperçoit, d’un versant à l’autre, soit la cathédrale d’Amiens, soit l’église abbatiale de Corbie.

Ils prennent l’engagement, sur leurs plus précieuses reliques, de résoudre, à partir de ce jour, par des moyens pacifiques les différents qui pourraient s’élever entre eux.

Les uns et les autres s’obligent par serment à ne jamais plus se venger par le pillage et l’incendie, et à s’en rapporter, dans les litiges, à l’arbitrage de l’évêque et du comte.

C’est en 1022 que la première rencontre eut lieu.

Puis le pacte se renouvellera pendant plus de deux siècles sous le nom de Fête de l’Indict ou du Lendit.

Déroulement de la fête de l’Indict

Tous les ans, le jour de la Saint Firmin c’est à dire le 25 septembre, une double procession partait, une d’Amiens et l’autre de Corbie pour se rendre à la limite des comtés, en un endroit où l’on pouvait voir au bord de la route qui mène de Daours à Amiens une croix de fer entourée de quelques arbres et désignée sous le nom de Croix de l’Indict.

A cet endroit s’accomplissait la cérémonie de paix et de foi au milieu d’une grande affluence du peuple, ecclésiastiques et fidèles, venus avec leurs reliques les plus vénérées :

Dans la grande plaine, devant des autels dressés par avance, on réglait pacifiquement les différents non seulement de ville à ville mais de particulier à particulier, on réconciliait des ennemis, on faisait la lecture des traités de paix jurés et on les confirmait, puis par des prières alternées avec les cantiques pour célébrer la puissance divine et implorer sa protection.

Essentiellement religieuse à ses débuts, la réunion de l’Indict se transforma peu à peu en une fête où les préoccupations mercantiles et les divertissements profanes prirent la place des serments d’union et des actes de piété. On oublia les reliques, les traités, les serments, les prières, et on continua d’aller à l’Indict surtout pour s’amuser et boire.

La fête devint alors l’occasion de désordres à tels points que le clergé fit entendre de vives protestations. Tout d’abords ils décidèrent de ne plus prendre les reliques des saints.

Puis Raoul Ier, l’abbé de Corbie de 1240-1254, fit supprimer cette fête en 1248.

Mais la fête avec ses jeux, ses danses, ses beuveries continua encore.

Ce lieu à travers les âges.

En 893, un épais brouillard tombe sur les Amiénois qui pourchassent les Corbiois pendant le vol des reliques de Saint Gentien (Histoire à lire ici)

A l’origine la croix était une croix de pierre, mais elle avait disparu dès la fin du XVII ème siècle puisque à cette époque une chronique manuscrite relate : “On voit encore la base de cette croix sur une petite élévation de terre où se reposent souvent les voyageurs.”

en 1764 : Le maître d’école dAmiens, Pierre Bernard, se rendant en pèlerinage à Corbie fait “ses prières à la Croix de l’Indict devant le reste des vestiges d’une croix”

en 1779 : l’archiviste de l’abbaye de Corbie Lemoine, décrit entre Daours et le moulin à vent d‘Amiens “un tertre de gazon en forme de carré long, autrefois planté d’arbres, sur lequel on n’aperçoit aucune trace de chapelle mais seulement une croix qui paraît avoir été posée du temps de François 1er”

Vers 1789 : la croix est renversée par la révolution

En 1818 : La croix du lendit est relevé pendant la Restauration. Pour en refaire le socle,  une partie d’une clef de voûte octogonale, des cloîtres détruits de l’abbaye de Corbie fut utilisée.

Le 31 octobre 1901 : les anarchistes renversent une nouvelle fois la croix.

En 1902 Des travaux sont engagés pour l’élagage des arbres et du terrassement divers. Le Curé de Camon déclare prendre à sa charge la dépense (15 francs) et la Croix est transportée vers Amiens pour y être restaurée aux frais du chapitre.

Le 21 janvier 1981 : Jacques Foucart (conservateur délégué des antiquités et objets d’art de la Somme) écrit à Albert Bécard, maire de Camon :

Je vous accuse réception du vœu de votre Conseil Municipal relatif à la Croix du Landit, je crois que d’abord il convient d’attendre le classement de cette Croix (procédure en cours) puis d’étudier avec Monsieur LOUVET, architecte des bâtiments de France les modalités pratiques de la remise en place après nettoyage et peinture de la ferronnerie.

De toute façon, la restauration de cette Croix est très souhaitable : ce site pittoresque marque la rupture des versants entre Amiens et Corbie, mais hélas, la croix manque et le socle dérisoire reste sans signification. Or, c’est une route, vous le savez, extrêmement fréquentée.

En cette année du patrimoine, c’est vraiment l’occasion de montrer que l’on fait quelque chose..

Le 29 novembre 1985, dans les locaux de l’entreprise DENIS, marbrier, la croix “en fer forgé, dorée aux extrémités, ornée des instruments de la Passion (tenaille, lance…) et la plaque de zinc sont terminées pour la somme de 23 221 fr.

La plaque porte l’inscription suivante :

Croix de l’Indict, plantée en 1024 par les Clergés d’Amiens et de Corbie et relevée en 1808″ par Charles MAILLET, de Bussy les Daours”

Le 14 mai 2004, il aura fallu attendre plus de 100 ans pour la remise en place de la Croix l’Indict  ou du Lendit.

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Alors maintenant que vous connaissez l’histoire de ce lieu, en passant sur la route de Daours à Amiens, pensez à ce symbole de paix…